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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/109

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pas de commerce avec les ministères. Je l’ouvre et je lis que, sur la proposition de mon cher confrère Charles Blanc, le ministre de l’Instruction Publique vient d’acquérir, au compte de la direction des beaux-arts, 125 exemplaires, au prix de 8 francs l’un, de Gavarni, l’Homme et l’Œuvre.

Je souris d’abord à l’ironie de cette étude, si psychologiquement amoureuse, entrant dans les bibliothèques gouvernementales, à l’ironie de ce livre renfermant la plus positive profession d’athéisme encouragée par ce gouvernement clérical.

Puis j’entre en fureur de cette compromission de nos deux noms, par cet achat, qu’on peut supposer sollicité. Quelle famille, que ces Blanc ! en train de désarmer secrètement les haines, en train de museler les antipathies, avec un peu d’argent pris à l’État.

Et quoi faire cependant ? En ma qualité d’homme bien élevé, il n’y a qu’à remercier. Quel malheur de n’être pas né saltimbanque ! Demain je refuserais d’une manière retentissante, dans tous les journaux, et je passerais pour un pur, et je vendrais mon édition.

Mardi 5 août. — Mme Charles Hugo m’a invité ce soir à dîner, de la part de son beau-père. Dans l’humide jardin de la petite maison, François Hugo est couché dans un fauteuil, le teint cireux, les yeux à la fois vagues et fixes, les bras contractés dans un