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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/148

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déjeuner avec sa femme chez moi. Un ménage qui ressemble à celui que je faisais avec mon frère. La femme écrit, et j’ai lieu de la soupçonner d’être un artiste en style.

Daudet est ce joli garçon chevelu, aux rejets superbes, à tout moment, de cette chevelure en arrière, aux coups de monocle à la Scholl. Il parle spirituellement de son impudeur à fourrer dans ses livres, tout ce qui lui fournit des observations littéraires, et se dit déjà presque brouillé avec une partie de sa famille.

Puis l’on cause des uns et des autres… Daudet s’avoue beaucoup plus frappé du bruit, du son des êtres et des choses, que de leur vue, et tenté parfois de jeter dans sa littérature des pif, des paf, des boum. Et, en effet, il est d’une myopie qui touche à l’infirmité, et semble lui faire traverser les milieux de la vie, ainsi qu’un aveugle — pas mal clairvoyant tout de même.

Lundi 22 juin. — Jules Janin a eu ce qu’il a ambitionné toute sa vie : un bel enterrement.

Derrière sa dépouille ont emboîté le pas, du militaire, du civil, de l’académique, avec la populace des lettres. Sa gloire, quoiqu’il ait eu, à un moment, un certain talent, sa gloire sera celle d’un agréable et loquace causeur. Elle ne durera guère plus que le JJ. en fleurs, calligraphié au milieu du gazon de son jardin.