Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il a passé trois ans en Chine, et en cause très intelligemment.

Il est quelque peu bibeloteur, et très amusant à entendre raconter la fabrication toute primitive des émaux cloisonnés. La carcasse de la pièce faite, les cloisons soudées, l’ouvrier, sur le pas de sa porte, a devant lui un plat de feu, une espèce de four de campagne, dans lequel il cuit et recuit l’émail, une trentaine de fois, soufflant son feu, à grands coups d’éventail. La fabrication se fait presque avec les doigts, aidés de deux ou trois petits méchants instruments, et sans plus d’appareil et de dépense d’établissement que cela.

Il dit que la lucidité des cloisonnés chinois tient à ce que tout l’intérieur des cellules, avant que l’émail y soit versé, est argenté : les arêtes extérieures étant dorées après la finition de la pièce.

Il me donne ce détail curieux, que les collectionneurs chinois n’exposent jamais leurs objets d’art.

Là, l’objet d’art est toujours enfermé dans une boîte, dans un étui, dans un fourreau d’étoffe, et presque caché dans quelque coin du logis. Le collectionneur chinois le possède, pour en jouir, et s’en délecter, lui tout seul, la porte fermée, dans une heure de repos, de tranquillité, de recueillement amoureux. S’il le fait voir, cela se passe à peu près ainsi : il invite un ami, un collectionneur comme lui, à prendre une tasse de thé. Et tout en humant l’eau odorante, il s’échappe à dire : « Au fait, je me