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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/208

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de petits rires bienveillants, des applaudissements caressants, des ah ! pâmés.

L’exorde est tout plein de jolies gamineries, d’amusantes pasquinades, d’aimables traits d’esprit, puis vient le morceau sérieux, le morceau historique, où le récipiendaire déclare, grâce à sa faculté de lire entre les lignes de l’imprimé, avoir fait la découverte que Richelieu n’a jamais été jaloux des vers de Corneille, qu’il lui en a seulement voulu un moment, pour avoir retardé, avec sa création du Cid, l’unité française. Il s’est contenté de le faire appeler, et lui a dit : « Prends un siège, Corneille… » Là, un monologue du cardinal-ministre, fabriqué par Dumas.

Une salle ivre, des applaudissements, des trépignements.

La péroraison prononcée, tous les traits de tous les visages se sont allongés, en les courbes tombantes d’un fer à cheval, et une noire tristesse s’est amoncelée sur tous les fronts.

Ici un entr’acte, pendant lequel j’ai regardé la salle. Alors j’ai vu la petite Jeannine Dumas, très peu sensible à l’éloquence de son père, en train de détraquer la lunette de sa mère. J’ai vu Lescure tout rapproché de la balustrade des élus, prenant des notes. J’ai vu l’imprimeur Claye, avec la physionomie d’un mortel agréablement hypnotisé. J’ai vu un beau jeune homme, dans l’enroulement d’un caban à broderies d’argent, la tête penchée sur une main gantée de jaune, qu’on m’a dit être le poète Déroulède. J’ai vu l’académicien Sacy, et son hilarité à la