Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Voici deux faits qui sont le jugement du haut et du bas, ça me semble décider la question.

Interrogé sur les hommes du 4 Septembre, le général les peint ainsi : « Pelletan, c’est l’homme des généralités. Jules Favre peut être un mauvais diplomate, mais il est moins coupable qu’on ne le croit. Je lui sais gré de l’avoir entendu dire à Arago, avec une résolution que je n’attendais pas de lui : “Je veux, je veux absolument être averti, quand il n’y aura plus que dix jours de vivres, parce que, entendez-le bien, monsieur, je ne me reconnais pas le droit de faire mourir de faim deux millions de personnes.” Ferry, une nature énergique, un homme de résolution. Je l’ai vu au fort d’Issy, un jour où ça pleuvait rudement, et où sa nature sanguine se grisait du spectacle, sans pouvoir s’en arracher. »

Le général se sent écouté, et il parle, il parle beaucoup, et de beaucoup de choses et de personnes.

« Je n’ai connu, dit-il, un moment après, que deux passionnés, mais deux vraiment passionnés de la gloire, et c’étaient les seuls dans l’armée : Espinasse et de Lourmel.

« J’étais aux Tuileries avec Espinasse, au moment où la guerre d’Italie était déclarée. Les ministres voulaient que l’Empereur ne quittât pas la France, et tâchaient de se faire appuyer par l’Impératrice. Pendant ce, Espinasse maugréait dans ses moustaches. L’Impératrice l’interpelle :

— Espinasse, dites-moi donc ce que vous avez à vous démener, comme un lion en cage, dans votre coin ?