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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/308

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est dégonflé et décoloré, comme un de ces éléphants de baudruche qui aurait servi d’enseigne à un magasin de jouets, et sur lequel il a plu.

Il s’assied, et le voici, dès la soupe, dans ce monde de fanatiques protestants comme Scherer, de politiques étroits comme Robin ; le voici, à donner l’envolée à son scepticisme raffiné ; spiritualisé, si l’on peut dire, par la maladie. Avec cette voix étoupée, cette voix morte qui ne fait pas de bruit, il lance ses ironiques petites phrases, terminées par un point d’interrogation de son malin petit œil. C’est comme une série de coups de bistouris, donnés en se jouant dans l’aveuglement, la présomption, la bêtise de tout ce monde officiel, qui compte à notre table, aujourd’hui cinq sénateurs.

À un moment, Bréal se penche vers moi, et me dit : « Il est encore malade, Picard, voyez comme il est amer ! »

Il continuait, l’amusant malade, et je jouissais. Il me semblait entendre un très charmant et très méchant fou, venant dire à notre table, sous une forme quelconque, leurs vérités à nos seigneurs les démocrates.

Il est vraiment, cet homme, un gros enfant terrible pour son parti.

Lundi 14 août. — Dans une blondine chevelure de petite fille, c’est joli le papier des papillotes : on