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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/324

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une chaleur douce et majestueuse — je donne ses expressions — c’est enivrant !… Une fois que j’étais couché sur le dos, au haut d’une de ces meules, jouissant de la nuit, je me suis surpris, je ne sais combien de temps cela durait, disant stupidement : “Une, deux ! une deux !” »

Mardi 12 décembre. — Quelques six mois avant sa mort, me dit du Mesnil, je causais avec Fromentin. Il était allongé sur son divan, dans un état de prostration crispée, qui suit la journée d’un ouvrier de la pensée :

Je voudrais écrire un dernier livre, soupira-t-il tout-à-coup, oh un dernier livre !

Oui, — et il continuait avec le triste haussement d’épaules d’un homme qui se sent au bout de la traîne de sa vie, — oui je voudrais écrire un livre, qui montrerait comment se fait la production dans un cerveau.

Et s’arrêtant et s’enfonçant le poing dans une arcade sourcilière, il ajouta : « Vois-tu, tu ne sais pas ce que j’ai là-dessus ! »

Mercredi 13 décembre. — L’abominable métier que celui des lettres. Toute la fin de mon livre aura été écrite, avec la pensée, le pressentiment, que tant