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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/349

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Je ne suis rassuré qu’à moitié, il ne faut, pour changer cela, qu’un caprice de gouvernant ou un article d’un grand journal.

La princesse, après dîner, me regardant avec une tendresse un peu intriguée, me dit : « Comme vous faites des choses qui vous ressemblent peu !… C’est abominable ! C’est abominable ! » — Et elle fuit ma réponse.

Samedi 7 avril. — J’ai dîné, ces jours-ci, avec Octave Feuillet. C’est particulier comme ce romancier de cour a gardé un cachet de province. On ne peut lui contester la gentillesse polie d’un aimable homme, mais vraiment il surprend, ainsi que pourrait le faire, le naturel d’une préfecture lointaine, par l’étonnement qu’il témoigne à un mot violent, à une comparaison cocasse, à une exagération d’artiste, enfin à tout ce qui fait le fonds de la conversation entre lettrés parisiens[1].

  1. Ici je rappelle que le mot : « Musset des familles » est de mon frère, un joli baptême vraiment du talent du romancier, avant la publication de Monsieur de Camors. Et ce mot m’amène à demander qu’on veuille bien restituer à mon frère un autre mot, qui semble avoir été le mot épatant du roman de la Morte, tant il a été cité, et répété par tous les critiques. Et cependant elle avait été jetée cinquante fois au public de l’Odéon, cette phrase du « monsieur en habit noir » d’Henriette Maréchal : « Il y a des gens qui y disent des choses qui corrompraient un singe et qui feraient défleurir un lys sur sa tige. » Les propos à faire rougir un singe, ça me semble bien descendre de l’engueulement du bal d’Henriette Maréchal.