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Page:Goncourt - Journal, t5, 1891.djvu/88

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Lundi 2 septembre. — Dîner à Munich, chez le comte Pfeffel.

Un dîner munichois fait dans le milieu catholique et anti-prussien.

Le comte Pfeffel, un petit vieillard, ratatiné, séché, nerveux, bilieux, ironique, ayant quelque chose du physique d’un diable malingre ; le nonce du pape, Tagliani, un homme trapu, pileux, noir, charbonné, ayant quelque chose du physique d’un diable trop bien portant ; de Vaublanc, ancien chambellan et ancien ami du roi Louis, un vieil émigré français, qui ne s’est jamais abaissé à parler allemand, très aimable, très sourd, très dix-huitième siècle ; un jeune officier dans l’armée bavaroise, fils du comte Poggi.

Une conversation galante, intelligente, spirituelle, avec du suranné, du vieillot dans les idées, et des tours de phrases, vous faisant penser parfois, que vous dînez dans un rêve, avec des morts d’avant 89.

En fumant, l’officier bavarois, qui a fait la campagne de France, me parle de notre printemps, comme d’une merveille extraordinaire, d’un temps de délices, qu’il avait cru une invention de nos poètes. Il me dit que chez eux, comme en Russie, on passe de l’hiver à l’été, sans transition ; il ajoute que cette privation de printemps a une grande influence sur le moral allemand, et que l’absence de cette jouissance indicible dans la vie allemande, doit beaucoup contribuer à la mélancolie locale.

Je retrouve, au salon, de vieilles Anglaises du