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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/194

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dans les hauts et les bas de notre métier. N’est-ce pas, Daudet ? N’est-ce pas, Zola ? N’est-ce pas, Maupassant ? qu’il était bien ainsi, notre ami ? — et que vous ne lui avez guère connu de mauvais sentiments que contre la trop grosse bêtise ?

Oui, il était foncièrement bon, Flaubert, et il pratiqua, je dirais, toutes les vertus bourgeoises, si je ne craignais de chagriner son ombre avec ce mot, sacrifiant un jour sa fortune et son bien-être à des intérêts et à des affections de famille, avec une simplicité et une distinction, dont il y a peu d’exemples.

Enfin, Messieurs, en ce temps où l’argent menace d’industrialiser l’art et la littérature, toujours, toujours, et même en la perte de sa fortune, Flaubert résista aux tentations, aux sollicitations de cet argent ; et il est peut-être un des derniers de cette vieille génération de désintéressés travailleurs, ne consentant à fabriquer que des livres d’un puissant labeur et d’une grande dépense cérébrale, des livres satisfaisant absolument leur goût d’art, des livres d’une mauvaise vente payés par un peu de gloire posthume.

Messieurs,

Cette gloire, afin de la consacrer, de la propager, de la répandre, de lui donner en quelque sorte une matérialité, qui la fasse perceptible pour le dernier de ses concitoyens, des amis de l’homme, des admirateurs de son talent, ont chargé M. Chapu, le sculpteur de tant de statues et de bustes célèbres,