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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/231

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l’aquarelle de mon frère. Je ne sais décidément pas si la pièce est bonne ou mauvaise, mais pour moi, c’est un fort emmagasinement d’émotions dramatiques.

Ce soir, au dîner des Spartiates, on soutenait que l’homme de l’Occident, était une individualité plus entière, plus détachée, plus en relief sur la nature, moins mangée par l’ambiance des milieux, par cela même une individualité plus déteneuse d’une volonté propre que l’homme de l’Orient, dont l’individualité est comme perdue, fondue, noyée, dans le grand Tout, en son exubérance de végétalité et d’animalité, et faisant de l’homme de là-bas la proie du nirwanisme, de cette lâche et souriante veulerie d’une volonté, qui semble avoir donné sa démission, devant le rien qu’est l’humanité en ces contrées exotiques.

Et un dîneur disait à ce sujet une chose curieuse. Il déclarait que lui, resté un fervent catholique, sur cette terre, il sentait un peu mourir chez lui l’idée religieuse, ne croyant plus que Dieu pût s’intéresser à la prière de l’animalcule qu’il lui semblait être, en cette poussée incessante et ce fourmillement de création !

Samedi 21 mars. — À huit heures et demie, nous partons avec les Daudet, pour assister à la reprise de Germinie Lacerteux. J’avoue que j’ai une petite émotion, et un peu peur que la bataille de la première ne