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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/61

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Un ciel mauve, où les lueurs des illuminations mettent, comme le reflet d’un immense incendie, — le bruissement de pas faisant l’effet de l’écoulement de grandes eaux ; — une foule toute noire, de ce noir un peu papier brûlé, un peu roux, qui est le caractère des foules modernes, — une espèce d’ivresse sur la figure des femmes, dont beaucoup font queue à la porte des water-closet, la vessie émotionnée ; — la place de la Concorde, une apothéose de lumière blanche, au milieu de laquelle l’obélisque apparaît avec la couleur rosée d’un sorbet au Champagne ; — la tour Eiffel faisant l’effet d’un phare, laissé sur la terre par une génération disparue, — une génération de dix coudées.

Mardi 7 mai. — Premier symptôme de l’Exposition : une odeur de musc insupportable se dégageant de la foule qui vague, une odeur de musc insupportable dans un café du boulevard, où il n’y a que des hommes.

Lundi 13 mai. — Les idées révolutionnaires d’un conservateur. Voici le titre du livre que j’ai trouvé à faire, si je devenais aveugle : une crainte qui me hante. Et ce serait une série de chapitres sur Dieu, sur le gouvernement, sur le cerveau, etc., etc.