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Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/91

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rappelle encore une de mes plus profondes émotions — c’était cette fois en rotonde, — je revenais tout seul, à douze ans, de mes premières vacances passées à Bar-sur-Seine, et j’avais acheté les livraisons à quatre sous du roman de Fenimore Cooper : Le dernier des Mohicans. Postillon, conducteur, voisins de rotonde, endroits où l’on s’arrêtait pour relayer, auberges où l’on mangea, je ne vis rien des choses de la route. Non, jamais je ne fus aussi absent de la vie réelle, pour appartenir si complètement à la fiction, — sauf cependant une autre fois, la fois, où plus petit encore, j’avais lu, échoué dans une vieille bergère de la chambre à four de Breuvannes, j’avais lu Robinson Crusoé, que mon père avait acheté pour moi, à un colporteur de la campagne.

Jeudi 22 août. — En montant à Bar-le-Duc, dans la victoria de Rattier, mes regards s’arrêtant par hasard sur mes mains reflétées sur le cuir verni du siège du cocher, mon étonnement est grand de rencontrer dans le reflet de mes mains, le trompe-l’œil le plus extraordinaire d’un morceau de peinture de Ribot, avec ses chairs aux ambres noirâtres, aux lumières d’un rose violacé.

Lundi 26 août. — Mon Dieu, que le monde est