Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces roses fleuries, ces pois mûrs au mois de janvier : c’était une nouveauté à Paris, et Monsieur, et le comte de Soissons, et le duc de Créqui, et le maréchal de Grammont, et le comte de Noailles, et le marquis de Vardes, de s’écrier que jamais en France, on n’avait vu rien de pareil pour la saison. Même en présence de Sa Majesté, le comte de Soissons prenait une poignée de pois, qu’il écossait, et qui se trouvèrent aussi frais que si on venait de les cueillir. Et Sa Majesté, après avoir témoigné sa satisfaction à l’heureux maître d’hôtel, lui ordonnait de les porter au sieur Baudouin, contrôleur de la bouche, et de lui dire d’en faire un petit plat pour la Reine mère, un pour la Reine, un pour le Cardinal, et qu’on lui conservât le reste que Monsieur mangerait avec Elle.

Et comme Louis XIV faisait offrir un présent d’argent au porteur des pois et des roses, Audiger (c’est le nom de notre maître d’hôtel), refusait et faisait demander au Roi le privilège de faire, de vendre et de débiter toutes sortes de liqueurs à la mode d’Italie, tant à la Cour et suite de Sa Majesté, qu’en toute autre ville du royaume, avec défense à tous autres, d’en vendre et d’en débiter à son préjudice.

À peu de temps de là, Audiger obtenait son brevet de M. Le Tellier, mais il éprouvait de telles tracasseries dans les bureaux pour le scellement de ses lettres d’obtention, qu’il entrait chez la comtesse de Soissons en qualité de faiseur de liqueurs, en sortait,