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Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/72

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Et depuis quatre heures jusqu’à six heures, ç’a été, chez l’artiste, un jaillissement d’amusantes anecdotes sur les littérateurs, les peintres, et gens de toute sorte, coupées par son grognement habituel.

« C’est moi, dit-il, qui ai apporté Madame Bovary chez les Dumas. Dumas fils m’a dit : “C’est un livre épouvantable !” Quant à Dumas père, il a jeté le livre par terre, en disant : “Si c’est bon cela, tout ce que nous écrivons depuis 1830, ça ne vaut rien !” »

Et il passe aux curieux dîners, au restaurant du Havre, entre Corot, Rousseau, Millet, Diaz, Couture, et raconte ceci : « Couture vint, un jour, me chercher pour dîner, me chercher dans ma petite chambre d’alors, et comme je lui disais : “Vous êtes triste, aujourd’hui, Couture ? — Oui, me répondit-il, je sens que je ne suis pas un peintre, je peins avec mon cerveau, pas avec mon cœur…” Je ne sais, si vous l’avez connu, Couture… C’était un petit ratatiné frileux, ayant toujours sur le dos un collet de manteau, et Diaz, qui était plein d’esprit, plein d’une imagination drolatique, disait, en le voyant déboucher : “Voici le champignon vénéneux !” »

De Couture, il saute à un amphitryon belge, à un célèbre gourmand de Bruxelles, qui a inventé dans sa salle à manger, un courant d’air, faisant uniquement le service d’enlever l’odeur des mets, et qui veut des conversations à l’instar du plat qu’on sert, du plat qu’il baptise de plat grivois ou de plat philosophique.

Ah ! s’écrie-t-il, à un moment, un mot admi-