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Page:Goncourt - Outamaro, 1891.djvu/40

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L’ART JAPONAIS

ries, un coin de l’étoffe dans sa bouche, aimant à mordiller ; arrangeant des iris dans un cornet ; baignant un oiseau ; fumant une pipette d’argent ciselé ; ajoutant à ses doigts des ongles d’ivoire pour jouer du koto ; peignant un kakemono ou un makimono ; écrivant des poésies sur des bandelettes, qu’elle attache aux premiers cerisiers en fleurs ; tirant de l’arc dans une chambre, avec les flèches piquées à la portée de sa main ; s’amusant à cacher sa figure sous le masque Joufflu, au gros rire d’Okamé[1].

  1. Ce masque au front étroit, aux bajoues énormes, à la grosse hilarité dans une bouche en cul de poule : ce masque attaché presque dans tous les vestibules des maisons japonaises, comme une invitation à la bonne humeur des visiteurs, c’est la figuration sous laquelle les Japonais se représentent la déesse Odzoumé qui joue ce rôle dans cette célèbre légende mythologique du Japon.

    La puissante déesse, née du mariage de Isanagni et de Izanani, les deux premières divinités mâles et femelles, créatrices du Japon, la déesse du Soleil, auquel son père avait donné le commandement du ciel, qu’elle gouvernait du haut de la colonne, où elle avait fait son ascension, était sans cesse tourmentée par les malices méchantes de son frère, le dieu de la Lune, dont l’Empire était la Mer bleue, et qui finissait par lui jeter à la tête le cadavre d’un cheval pie, qu’il avait écorché de la tête à la queue : brutalité qui lui avait donné une telle frayeur qu’elle s’était blessée avec la navette qui lui servait à tisser dans le moment. Et en sa frayeur, la