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Page:Gourmont - Un cœur virginal, 1907.djvu/144

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UN CŒUR VIRGINAL

réservé. Plus tard, revenu à tout son sang-froid, il éprouverait sans doute quelques scrupules, car il était délicat et sujet à la migraine à la suite des plaisirs indécis. Sur l’heure, il s’enorgueillissait de la domination, au moins partielle, qu’il savait, aux moments scabreux, exercer sur ses centres nerveux inférieurs, par l’intermédiaire d’un cerveau bien construit et en bonne pâte.

« Cela vaut encore mieux, après tout, se disait-il, que des rêves digitaux. La langueur qu’elle a ressentie sous mes baisers et mes chastes caresses, ne l’eût-elle pas trouvée, ce soir, dans la solitude d’un demi-sommeil ? Le plaisir fut menu, mais il fut partagé. Il n’y avait que quelques petites cerises rouges à la branche que nous avons cueillie, mais nous les avons mangées ensemble, fraternellement. L’amour est de la fraternité spirituelle et corporelle. D’ailleurs, elle est ma femme… »

— Tu aimes ton mari, ma petite Rose ?

— Oh ! oui !

Elle se réveilla pour lancer un oui énergique.