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Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/137

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ROMAN D’UN PÈRE.

nante, prête, ou l’eût dit, à défendre sa cause au prix de sa vie…

— Tu sais, ma fille, lui dis-je, que je n’ai eu qu’un rêve, qu’un but dans la vie : ton bonheur. Si je savais que j’ai contribué, au contraire, à te rendre malheureuse ; si je pensais que ma bêtise, ma maladresse ou ma faiblesse ont empoisonné pour toi la source des joies, je suis encore assez vaillant pour réparer ma faute, assez courageux pour m’en punir… Dussé-je mourir à la peine, si cet homme se conduit mal envers toi, je te vengerai !

— Père, me dit ma Suzanne, toujours souriante et radieuse, sois en paix, tu as accompli ton œuvre, et, comme tu l’as voulu, je suis heureuse.

Avec quelle ferveur je couvris de baisers son front blanc, ses beaux cheveux et ses yeux purs ! Ah ! la loi l’avait donnée à cet homme, mais c’était un mensonge : elle était toujours ma fille, et je sentis, à l’étreinte de ses bras autour de mon cou, qu’elle était ma fille plus que jamais.

Nous n’avions plus envie de nous parler ; une entente muette s’était établie entre nous ; jusqu’au moment du départ, nos yeux seuls échangèrent des tendresses. Mon gendre, qui avait