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Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/300

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SUZANNE NORMIS.

lever. La voix et la main de Maurice seules pouvaient ramener le calme. J’appris alors, par la force de cette obsession, quelles épouvantes ma pauvre enfant avait subies en silence. Que de fois, depuis notre fuite, elle avait dû s’éveiller en sursaut, glacée par l’angoisse de voir son mari l’entraîner loin de moi ! Ces divagations inconscientes me livrèrent son secret, et je reconnus que, pour se taire et paraître joyeuse, elle avait déployé une force d’âme bien au-dessus de son âge.

J’appris encore autre chose, et cette découverte jeta sur mon esprit une teinte de mélancolie qui fut longue à dissiper : j’appris que du jour où notre enfant aime, nous autres parents, nous ne sommes plus que bien peu de chose auprès de l’être aimé. Mais la vie m’avait donné d’assez rudes leçons pour que j’eusse le courage d’envisager ma peine et de tâcher de lui trouver un bon côté. Je n’accusai pas ma fille d’ingratitude : un autre père l’eût peut-être fait ; moi je me contentai de reconnaître que plus l’enfant élevé par nos soins est d’une nature fine et supérieure, plus l’amour a de prise sur ce jeune cœur, et plus, par conséquent, nous pauvres vieux, devons passer au second plan. Je re-