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Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/304

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SUZANNE NORMIS.

protecteur, destiné à garder de mal les rares passants de la falaise, enfants du village, douaniers, et nous-mêmes. Il travaillait, remuant à pleines mains la terre humide de rosée qui laissait des traces à ses doigts, elle le regardait ; de temps en temps, ils se souriaient, et je devinais, à l’attitude de ma fille, qu’elle était satisfaite de lui : satisfaite de sa bonne pensée et fière de le voir travailler comme un ouvrier.

Ah ! ces êtres-là ignoraient les mièvreries des conventions mondaines ! Ils ne craignaient, ni l’un ni l’autre, les souillures du travail matériel. C’est pour la pureté de leurs âmes qu’ils gardaient leurs préoccupations !

Je pensais à beaucoup de choses, quand la voix de Pierre me tira de ma rêverie :

— Monsieur n’a pas de commission pour l’Angleterre ? me disait-il.

— Pour l’Angleterre ? Non, Pierre. À quel propos ?

— C’est que le patron d’une barque est venu demander tantôt si monsieur ne voulait pas se faire rapporter quelque chose d’Angleterre ; il y va toutes les semaines… et aux îles anglaises presque tous les jours ; ils sont trois patrons…

— Qui font de la contrebande ? interrompis-je.