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Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/311

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ROMAN D’UN PÈRE.

cette phrase arrachée au plus profond de leurs cœurs. Ils ne furent pas troublés de cette coïncidence. Le danger, cette nuit d’orage, et la fièvre de leur passion les emportaient malgré eux. Leurs yeux se croisèrent, leurs mains se joignirent, et je sentis que j’allais cesser d’être le plus fort.

Nous fîmes des malles et nous brûlâmes des papiers pendant une partie de la nuit. Rien ne devait rester derrière nous qui pût trahir notre identité ou mettre sur nos traces. Vers le matin, chacun se retira, brisé de fatigue, pour prendre un peu de repos. Pierre m’avait loué une barque. La marée serait propice à dix heures du matin, le vent était bon, quoique la mer fût encore houleuse du grain de la veille ; mais ce n’était pas une considération de cet ordre qui devait nous arrêter en un tel moment.

J’avais fait atteler le cheval d’un voisin à une carriole empruntée, afin d’épargner à ma fille la fatigue d’une longue marche. Mais, comme le chemin était assez mauvais devant la maison, il fut convenu qu’on la conduirait jusqu’à un endroit sec, un peu plus haut sur la falaise, et que nous irions la rejoindre à pied. Nous nous assîmes devant un frugal repas préparé par Félicie qui