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Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/71

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ROMAN D’UN PÈRE.

— Tout ce que je comprends, c’est que tu ne fais rien de mal, moi non plus, et qu’on nous accuse injustement. C’est très-vilain, et ces dames sont méchantes.

Ah ! petite logique implacable de l’enfance ! Madame Gauthier avait bien raison de le dire : il était grand temps d’accoutumer Suzanne au monde, car plus tard elle l’eût tout bonnement pris en haine.

Elle eut beaucoup de peine à surmonter ce premier plongeon dans les épines de la société, et sa petite conscience d’enfant honnête en saigna longtemps. Elle éprouvait une certaine méfiance envers les personnes étrangères qui la caressaient, se souvenant toujours que des étrangères, tout aussi aimables, nous avaient accusés, elle et moi, de ce que, dans son honnête petite âme, elle n’était pas loin de considérer comme une infamie. Cependant, elle finit par s’accoutumer à ces formes polies, qui cachent tant de choses, et je fus souvent étonné de l’indifférence gracieuse avec laquelle elle accueillait les éloges.

— Pourquoi as-tu l’air si peu contente d’être complimentée ? lui dis-je un jour qu’elle avait remporté un véritable succès. Est-ce que cela ne te fait pas plaisir ?