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Page:Grand’Halte - Les gaités d’un pantalon, 1921.djvu/26

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LES GAÎTÉS D’UN PANTALON

Mme Cayon, comme d’habitude, haussa les épaules ; néanmoins, son indulgence n’était point usée. Après tout, Léa était son œuvre et il lui semblait désagréable d’avouer qu’elle ne réussissait pas tout ce qu’elle entreprenait.

Si sa fille avait des défauts, elle les imputait à feu Cayon, mort depuis nombre d’années d’un excès de tempérament.

Léa, discrète lorsqu’il s’agissait de ses affaires, ne parla pas de ses projets. Aux questions de sa mère, elle souriait languissamment. Mais elle rêvait au charbonnier qui, durant treize secondes, l’avait poussée sans faiblir jusqu’au septième ciel, étage élevé sur l’échelle du bonheur.

En rêver, toutefois, ne lui suffisait point ; elle avait juré de le revoir ce jour même et, dans ce but, se voyait prête aux pires extrémités.

Mme Cayon était bien loin de se douter de l’orage qui s’amassait sous la chevelure châtaine de sa fille. Elle la voyait paisible, mangeant avec une grâce digne du grand siècle, c’est-à-dire le plus souvent au moyen de ses doigts roses.