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Page:Grande Encyclopédie XXIV.djvu/684

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MYSTÈRE MYSTICISME

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l’élément qui caractérise le mystère : •■ Noua prêchons I sagesse de Dieu, un mystère, c-è-d. un ichée, que Dieu :< ait destinée avant les siècles pour notre gloire, et qu’aucun des princes de ce monde n’a connue... Ce sont îles choses que l’œil de l’homme n’aait pas vues, que l’oreille n’avait poinl entendues el qui n’étaient point venues dans l’esprit del’homme, mais que Dieu avait préparées a ceux qui l’aiment. Dieu nous 1rs a / son Esprit ; carl’Espril de Dieu sonde tout, même ce qu’il y a déplus profond en Dieu </ Cor.,n, 7-10). C’est par / t< lalion que Dieu m’a fait connaître ce mystère... le mystère du Christ, qui n’avait point été découvert aux enfants des hommes dans les temps passés, comme il l’a été danscestemps-ci. parl’Esprit, aux saints apôtres el aux prophètes (Ephés., m, 2-5). Dieu m’a donné la char] vous annoncer pleinement sa parole... le mystère qui avait été caché dans tous les siècles, mais qu’il ,1 maintenant manifesté à ses saints (Colos., 1, -J-V-ili). De la. une première application du mot mystère aux choses de la religion chrétienne, concernant toutes les doctrines qui dépassent les limites et la portée de l’intelligence des hommes, et ne peuvent être connues que par une révélation divine, c.-à-d. la plupart des dogmes qui distinguent lf christianisme de la religion naturelle : mystères de la Trinité, de la Chute de l’homme, de l’Incarnation, de la Rédemption, etc. — Cette expression est aussi fréquemment employée dans le langage ecclésiastique pour désigner les iutf.s auxquels on n’admettait que les initiés, par exemple le baptême, qu’on ne pouvait ordinairement recevoir qu’après un caléchuménat assez long ; la communion, à laquelle on ne participait qu’après le baptême, et dont certaines parties étaient cachées aux profanes. — Plus tard, cette application fut étendue à d’autres rites, avec le même sens que le mot latin sacramentum (V. Sacrement). E.-H. Voi.lki. III. Littérature (V. Drame et Oratorio).

Bibl. : Histoire des religions grecque et romaine.

— S. Ouwarov, Essai sur les mystères d’Eleusis ; Paris, 1S1G. — Du même, Etudes de philologie et de critique ; ibid., 1845.— Sainte-Croix, Histoire de lu religion secrète des anciens peuples ; Paris, 1774. — Du méme.fto cherches sur le paganisme, 17S4. — Creuzjr, Symbolih und Mythologie, 1, VIII, sert. 1., ch. i et ni ; t. II, 2’ parlie, pp. 654 et suiv., 752 et suiv. (trad. Guigniaut). — Lobeck, Aglaophamus sive de theologix mysticm causis : Kœmgsberg, 1829. — Preller, art’. Eleusinia, 111, 83 et suiv., et Mysteria, V, 311 et suiv., dans la Realencyclopsedie dePauly. — LENORMANTet Pottier, art. Eleusinia, dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Saglio, t. II, 515 et sq., avec les auteurs cités, etc.. et les Manuels d’antiquités helléniques de Hermann, SCHŒMANN, ete.

MYSTICISME. Philosophie. — Victor Cousin considère le mysticisme comme l’un des quatre grands systèmes philosophiques entre lesquels se partage toute l’histoire de la philosophie. Mais c’est là, à notre sens, un point de vue beaucoup trop étroit : le mysticisme ne revêt pas nécessairement la l’orme d’un système philosophique ; il peut exister aussi, il existe même ie plus souvent en revêtant la tonne des croyances religieuses ; pris en lui-même, c’est une disposition d’esprit infiniment plus générale et plus constante tpie foutes les doctrines métaphysiques ou théologiques par lesquelles il a pu se manifester dans les différentes philosophes el les différentes religions ; et nous devons tout d’abord le considérer sous cet aspect si nous voulons nous en l’aire une nie- suffisamment profonde. Le nom de mysticisme vient d’une racine grecque (pût») cpii signifie fermer la bouche, être muet, et de laquelle dérive également le mol mystère. Aussi, en son sens le plus général, le mysticisme nous semble-t-il pouvoir se définir le goût du mystère, l’amour du surnaturel, une propension à croire de préférence tout ce qui est obscur, incompréhensible, tout ce qu’on ne peut expliquer ni prouver. I.a fameuse maxime qu’on prête à Tertullien définirait assez bien cet état d’esprit : Credo quia abswdum. certvs stwn quiaimpossibile. C’esten ce sens qu’on dit de certaines races qu’elles sont naturellement mystiques. Tels sont les Orientaux et plus particulièrement les Sémites. Tels sont aussi les Germain*. « Le wtfBffit de l’éternel mystère qui est au fond de tout, dit M. Fouillée dans son beau livre sur l’Idée un ’huit, est beaucoup plus d _>, ■ qu’eu Fran », ou

notre amour de la (laite intellectuelle nous empêche sou-Bconnaltre les réellet -. La

métaphysique allemande repose sur ce principe qu’il v a de l’inconnaissable, de l’inintelligible, conséqui nimi ut une de nuit primitive que la lumière de l’intell n ■ < impuissante a pénétrer. »

Au mysticisme t’oppose, comme terme corrélatif, le /. ilisme, qui est au contraire le goût de la clarté, le oin de 1 évidence, la répugnance a en. ne tout ce qui ne peut être compris ou du moins démontre et vérifié. L’esprit français est plutôt rationaliste. « La philosophie françai du M. Fouillée dan- ce même livre, est plus porté admettre, avec Descartes, que les idées vrai claires et que toute réalité est intelligible i, ethe, qui pourtant était un adorateurde l’intelligence, a merveilleusement compris ce sentiment du mystère qui manque trop au rationalisme français et qui esi si familier aux Allemands. M" de Staël, écrit-il à un de ses amis, repondra parfaitement a l’idée que vous avez dû vous faire d’elle à priori. Elle est toul d’une pièce : elle représente l’esprit français dans toute sa pureté... Llle veut tout expliquer, tout comprendre, tout mesurer : elle n’admet rien d’obscur, rien d’inaccessible, et ce qu’elle ne peut éclairer de son flambeau n’existe pas pour elle. Llle n’admirera jamais le faux, mais elle ne reconnaîtra pas toujours le vrai. »

Le mysticisme ainsi entendu se manifeste principalement dans les religions ; toute religion est plus ou moins mystique ; et l’on peut même prétendre qu’un individu ou un peuple sont d’autant plus religieux qu’ils sont plus portés au mysticisme. Cependant, quand l’esprit mystique est naturellement puissant dans une race, il marque de son empreinte toutes les créations du génie national, non seulement la religion et la philosophie, mais la littérature, les beaux-arts et la vie tout entière. C’est ainsi que M. Touillée a cru pouvoir déduire du mysticisme natif de la lace allemande toutes les particularités de son caractère et de son histoire. Il fait remarquer que, d’ - -vie. le mysticisme se nommait la philosophie ten tonique, phUosophia teutonica, et il rappelle le mot de Schopenhauer : « Grattez la peau d’un métaphysicien allemand, et vous trouvères un théologien. » C’est du mysticisme, selon lui. que dérive ce symbolisme, cet amour des symboles que l’on remarque à un si haut degré dans la littérature et dans l’art allemands. <■ Pour les mystiques, en dehors de la réalité absolue, rien ne peut être qu’emblème. Jacob Boehm aperçoit des images de la trinité, de l’incarnation, de la rédemption dans tous les «très et dans tous les phénomènes de la nature. Chacun des objets sensibles est le symbole des autres, et tous les objets sensibles sont le symbole de l’éternel mystère. » Par la s’explique aussi le respect des Allemands pour Imites les institutions traditionnelles. Ainsi, selon Strauss, la république est rationnellement supérieure à la monarchie, et c’est précisément pour cela qu’il faut préférer la monarchie. <> Sans doute, il y a dans la monarchie quelque chose d’éniginalique, d’absurde même en apparence, c’est en cela «pie consiste le secret de sa supériorité : tout mystère parait absurde, et pourtant, sans mystèi e. rien de profond, ni la vie. ni l’art, ni l’Etat. » Comment s’explique, à son tour, l’esprit mystique . Il semble que les racines en soient profondément cach< dans la nature humaine, au delà de l’intelligence propre ment dite, dans celte région plus reculée et plus obscure ile-, facultés morales ou prennent leur commune origine l’imagination, la croyance, les liassions, les instincts et la volonté. Les anciensdistinguaient dans Time humaine deux grands versants, celui des sens et celui de l’intelligence. A celte antithèse du sensible el de l’intelligible, Descartes a substitué celle, beaucoup plus profonde, de l’intellec-