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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/121

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COMME VIENT LE VENT.

— Tiens, voilà Paul ! Paul le colon ! Paul le planteur ! s’écrièrent dix jeunes gens.

— Paul lui-même, répondit-il ; j’ai tiré une assez jolie fortune de mes cannes et de mes caféiers, et je me suis tout de suite souvenu du boulevard.

L’appartement de la rue Taitbout fut bien vite reloué et remeublé ; Paul reparut à l’Opéra, et mademoiselle Florestine lui écrivit, en style chorégraphique, qu’elle serait ravie d’entendre le récit de ses aventures.

Mais, sur ces entrefaites, le vent jeta à la côte le navire qui portait les richesses de M. Dufresny. Un correspondant avait négligé de les faire assurer. Tout était perdu.

Paul prit cette fois, comme la première, le parti de tout vendre, et, le soir meme, on le vit, en pantalon de gros drap, en blouse de toile, chaussé de lourds souliers garnis de guêtres de cuir, et coiffé d’un feutre gris à larges bords, se diriger vers les messageries Laffitte et Gaillard.

— Pars-tu pour les Grandes-Indes ? lui dit-on.

— Non ma foi, c’est trop loin ; je vais en Normandie gérer une terre qui appartient à un de mes oncles ; d’un planteur on peut bien faire un métayer.

Et, roulant autour de ses épaules une limousine à raies noires, Paul grimpa sur la banquette d’une diligence.

Il y avait non loin de cette ferme, aux environs de Caen, un château dont le propriétaire avait maintes fois soupé avec Paul à la suite d’un bal masqué. Un jour qu’il chassait à courre, la meute tomba sur un champ où deux charrues manœuvraient sous la direction d’un jeune agriculteur en sayon de velours. Le propriétaire eut quelque peine à reconnaître Paul.