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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/146

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EN LA MAISON DU MÉNÉTRIER

excellent menuisier, et qui deviendra le soutien de son père ! »

Des pas légers se font entendre à la porte du grenier ; elle s’ouvre, c’est Irma et Fanny qui entrent. Chapeau de paille, tartan, cabas, robe d’indienne frangée de boue, vous les reconnaîtriez entre mille ; ce sont des élèves du cours de danse de l’Opéra ; deux petites filles, à l’œil vif et mobile, à la bouche fine et délicate, charmantes souris qui brûlent de grandir et de montrer dans les coulisses leur museau de rats.

Elles se jettent au cou de leur père ; puis quand elles ont déposé et chapeau, et tartan, et cabas, dans leur chambrette, elles se disent qu’il est temps de mettre le couvert. L’une apporte la nappe, l’autre les assiettes ; en un clin d’œil la table est prête. Fanny a une faim de loup, Irma un appétit violent. — Où avez-vous mis la tourte aux boulettes, bon papa ? — Qu’avez-vous fait du flan, petit père ?

Figurez-vous la situation du pauvre Pastourel ; pour moi, je n’ai pas le courage de vous la dépeindre.

Il fallut bien cependant raconter et la fuite du directeur, et la perte des appointements, et l’absence forcée de comestibles qui en résultait. Quand Pastourel eut achevé ce menu, les deux jeunes filles se regardèrent.

— As-tu encore faim, Fanny ?

— Non, je m’étais trompée ; la faim m’a passé. Et toi, Irma ?

— Ma migraine m’a repris ; il me serait impossible de manger.

Pastourel s’approcha de la fenêtre pour essuyer une larme ; il était sensible, quoique danseur.