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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/235

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QUI M’AIME

tuel docteur B…, qui m’invitait à me rendre chez Auvray sur-le-champ.

Je fus introduit dans le boudoir où Murph avait coulé jadis des jours filés de sucre et de vanille. Quel fut mon étonnement lorsqu’en entrant je m’aperçus que tous les portraits du chien avaient disparu, et se trouvaient remplacés par les armures orientales, les boucliers, les flèches et les pipes turques, qui garnissaient les murailles de cet asile avant que Murph n’eût remplacé tous les goûts dans le cœur de son maître, même le goût du tabac !

— Il est guéri, entièrement guéri, me dit le docteur B… du plus loin qu’il m’aperçut, et c’est surtout à vous que nous devons cette cure ; vous avez compris que cette monomanie si étrange, que dans la médecine moderne nous appelons la cynophilie, devait avoir son cours. Ce qui la rend si souvent incurable, c’est que, lorsqu’une personne idolâtre quelque caniche ou quelque épagneule, presque toujours on la heurte, on veut la railler, tandis qu’il faudrait au contraire entrer dans sa passion.

— Oui, je sais tout ! s’écria Auvray en sortant précipitamment d’une pièce voisine : C’est vous, ô le modèle des amis ! qui avez inventé toutes sortes de stratagèmes pour amuser à la fois et guérir ma faiblesse. J’aimais un chien, et vous m’aimiez encore !… Mais où donc avez-vous puisé tant de complaisance et d’abnégation ?

— Tout simplement, lui répondis-je en souriant, dans le Livre des Proverbes, où j’ai trouvé une vieille phrase qui m’a paru être une excellente recette contre votre folie.

— Quelle est cette phrase ?