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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/399

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VAUT MIEUX QUE PIGEON QUI VOLE.

Pauvre ami ! À peine le quart de ce que je gagne dans une année. À présent que me voilà tout à fait lancé, je puis avec le produit de mes pièces, de mes livres et de mes articles, me considérer comme ayant un revenu de quarante mille francs… À propos, as-tu cinq francs sur toi ? j’ai oublié ma bourse, et il faut absolument que je monte en voiture pour me trouver à la répétition.

Paul, heureux de rendre un si léger service à son poétique et brillant ami, s’empressa de lui remettre ce qu’il lui demandait. Leur conversation avait lieu devant le jardin des Tuileries ; Léon s’élança dans un cabriolet et lui cria : — Sois tranquille, je te lancerai, je ferai ta fortune malgré toi… Ah ! j’oubliais de te dire, je prends voiture le mois prochain ; tu verras mes chevaux, mon attelage est magnifique… À bientôt !

Paul regagna son quartier, le cœur moins serré que lorsque Léon avait pris congé de lui pour la première fois et mis la Seine entre leur affection. Il était d’ailleurs sur le point de conclure un mariage avec une jeune fille qu’il aimait depuis longtemps, et qui, sans être riche, devait cependant lui apporter une petite dot plus que suffisante pour faire face aux dépenses d’un jeune ménage habitué d’avance à vivre d’érudition et d’amour.

Léon adressa à Paul des reproches mêlés de railleries lorsqu’il apprit qu’il était déterminé à se marier : — T’enchaîner de la sorte, lui dit-il, toi qui pouvais aller si haut avec un peu plus de force et de confiance en toi-même ! J’aurais pu, si tu avais voulu, te faire conclure un mariage des plus brillants.

En dépit des observations de son ami, Paul se maria,