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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/477

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À L’AMOUR ET AU FEU, ETC.

rieure un petit signe qui indique qu’il est amoureux de mademoiselle Annette : voilà Alain.

Rappelez-vous les pièces de Favart, si vous tenez à vous faire une idée de Léveillé, de mons Léveillé, comme on disait au xviiie siècle. Voix sonore, gestes gracieux, visage empourpré, œil émerillonné, jarret solide ; vous le reconnaîtriez entre mille. Saluez en sa personne le gars, le bon drille, le coq de village. Quel Don Juan que ce Léveillé ! N’est-ce pas de lui que M. le bailli disait l’autre jour : « Comment voulez-vous qu’il y ait des rosières dans le canton ? il cueille toutes mes roses ! » Cependant M. le bailli tiendrait beaucoup à couronner des rosières ; c’est le faible de tous les baillis.

Alain est amoureux fou de mademoiselle Annette ; il n’a plus le cœur à rien, ni à servir la messe à M. le curé, ni à chanter au lutrin, ni à écouter les contes du soir à la veillée ; il passe et repasse sans cesse devant la fenêtre d’Annette ; en levant la tête, il rougit ; si elle est sur sa porte, il s’enfuit.

L’autre jour il l’a rencontrée comme elle entrait dans l’église ; c’est à peine s’il a eu la force de lui dire : Bonjour, mademoiselle Annette. Elle, pourtant, lui a répondu d’un ton fort encourageant : Bonjour, monsieur Alain ! — Ah ! si l’on vendait des philtres pour se faire aimer ! À quels moyens ont-ils eu recours ceux qui jouissent de ce bonheur ? Parbleu ! il faut que je le demande à mon cousin Léveillé.

Ce matin même, Alain est allé trouver Léveillé, et ils ont eu ensemble une conversation dont nous venons d’entendre les dernières phrases. Léveillé a développé devant