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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/489

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ON SE COUCHE.

de son lit… Mais, après tout, pourquoi l’a-t-il si mal fait ? c’est-à-dire si mal meublé ? — Georges Dandin, tu l’as voulu, ne t’en prends à d’autres qu’à toi-même.

Or, n’avons-nous pas de nos jours quelques Georges Dandin femelles ? En cherchant bien, ne trouverions-nous pas quelque fille de banquier dont l’immense dot ait servi à fumer les terres obérées d’un patricien déconfit ? Demandez lui, à celle-là, dans quels beaux draps elle s’est mise ? Peut-être la surprendrez-vous dans un de ces rares moments où débordent les cœurs abreuvés d’outrages, et vous verrez alors par quelles humiliations elle expie le droit de se montrer au Bois, dans une calèche armoriée. Elle vous racontera de quel air on lui fait place dans les salons exclusifs où elle a voulu pénétrer ; elle vous dira les froides impertinences des vieilles douairières et des jeunes marquises, les grands airs de son noble époux, et jusqu’aux mépris de ses gens, très forts sur les distinctions héraldiques. Elle vous les dira, et vous ne trouverez pas en vous plus de compassion pour cette frêle victime que pour le gros Dandin de Molière : « Cela fait pitié », dit-on quelquefois de la vanité punie ; mais ne vous y trompez pas, et ne prenez jamais au pied de la lettre cette locution méprisante.

Revenons à notre proverbe qui parfois change aussi d’acception. Faire son lit, s’entend aussi bien de « veiller à ses intérêts » que « d’arranger sa vie. »

Si votre nom a du crédit, et si vous en décorez les prospectus séduisants d’une commandite, vous faites votre lit en vous assurant un bon nombre d’actions à bas prix ; vous vous coucherez ensuite sur des bénéfices, plus ou moins douillets, suivant qu’ils sont plus ou moins gros.

De même encore, cinquième auteur d’un vaudeville