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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/495

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teur du cabriolet en question, pour prévenir sans doute les plaintes qu’il redoutait de ma part. Il attestait les dieux et les hommes qu’il n’avait en rien violé les règles de son art, et démontrait aux passants, à grand renfort d’explications techniques, mon insigne et inqualifiable maladresse.

La destinée a ses retours. Lorsque cet Automédon malencontreux, la discussion épuisée, voulut reprendre sa route du même train qu’auparavant, son cheval vint à manquer des pieds de devant, et s’agenouilla brusquement sur le pavé. Le cocher fut lancé, comme une bombe, par-dessus sa bête, et s’il n’avait rencontré fort heureusement, à l’extrémité de sa périlleuse parabole, deux ou trois bottes de paille, placées là par une divinité favorable, il se fût infailliblement brisé les membres.

En le relevant, je ne résistai pas à la tentation de lui restituer la semonce qu’il m’adressait trois minutes auparavant, et je pérorai fort longuement sur l’imprudence qu’on met à ne pas fermer les crochets qui retiennent le tablier d’un cabriolet, quand on n’est pas sûr du cheval qui le mène.

Tandis que je développais ce texte avec une remarquable éloquence, je crus surprendre un sourire sur les lèvres de mon cocher, lequel, en ce moment, se livrait, je le soupçonne, à des rapprochements satiriques. Il lui semblait plaisant que j’eusse commis une grave étourderie, immédiatement après l’avoir si vertement tancé sur son ignorance, et qu’à mon tour, vivement repris par un orgueilleux censeur, j’eusse pu rendre à ce dernier, séance tenante, son aigre homélie.

Si je devinai juste en interprétant ainsi le sourire nar-