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Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/52

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ZÉPHYRINE.

— Je lui écrivis, et je me rappelle encore ma première lettre :

« Vierge de mes songes, je t’ai vue, et je t’ai aimée ; te voir et te le dire, voilà ma seule ambition. Tu es belle comme Vénus, et modeste comme Minerve. La rosée que l’Aurore dépose au sein des fleurs est moins pure que toi. Âme de mon âme, tu tiens ma vie entre tes mains ; aime-moi, si tu ne veux voir mourir à tes pieds celui que tu peux faire le plus heureux ou le plus malheureux des mortels. »

Après une correspondance des plus orageuses, elle me répondit qu’elle m’aimait, en post-scriptum. Je baisai et rebaisai cent fois le bas de sa lettre, et je me mis à marcher à grands pas dans ma chambre, cherchant les moyens de me réunir pour jamais à celle que j’adorais, et de l’arracher à un métier qui n’était pas fait pour elle.

Non ; m’écriais-je dans mon enthousiasme, tu n’es point née pour vivre avec des saltimbanques qui abuseront tôt ou tard de ton innocence, pour te faire avaler des cailloux et des lames de sabre ! Je saurai soustraire ton palais à cette ignominieuse extrémité ; ta voix, qui s’enroue à vanter les superbes qualités de la femme sauvage, ne devrait murmurer que des paroles d’amour ; ta main, si fine et si petite, ne devrait tenir d’autre baguette que celle d’une fée ; je te rendrai au monde dont tu feras le plus bel ornement ; avant un mois, je veux que tu danses dans les salons de la préfecture !