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N’A JAMAIS PRIS DE SOURIS.

sailles. Mais ce qu’il y eut de remarquable chez ce chat d’un si grand bon sens, c’est qu’en venant à la cour il eut le soin de conserver le costume de son ancienne condition. Comme Jean Bart avait gardé sa pipe et ses habits de loup de mer, il avait, lui, gardé ses bottes.

Le Chat Botté eut donc en partage une grande simplicité de manières, unie à beaucoup de prudence. Il transmit sa simplicité et ses bottes à son fils, lequel hérita à sa mort d’une immense fortune, accrue encore par de nouvelles donations faites par la famille des Carabas, la même qui vint s’éteindre sous la Restauration dans une chanson de Béranger.

Chat Botté fils continua à aller comme son père en bottes fortes, et sans que le régent songeât à s’en plaindre. Mais, sous Louis XV, il tomba en disgrâce complète, et le roi finit même par l’éloigner de sa cour et l’envoyer faire des rosières parmi les chattes de ses terres.

À quoi tiennent cependant les grandeurs humaines ! Savez-vous ce qui occasionna l’exil de notre héros ? Ce fut le duc de Richelieu. Le vainqueur de Mahon et de madame Michelin avait hérité de l’aversion insurmontable qu’avait toujours eue pour les chats son grand-oncle le fameux cardinal, qui n’avait absolument que cette faiblesse-là avec celle de la tragédie. Richelieu intrigua tellement auprès de mesdames de Châteauroux, de Pompadour, Dubarry, et de toutes les chattes successivement blotties sous les coussins du trône de France, qu’il obtint que le Chat Botté ne mettrait jamais la patte à Versailles.

À l’époque de la révolution, de nouveaux malheurs attendaient le descendant de l’illustre premier ministre du mar-