Page:Grave - La Société future.djvu/389

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est forcée de se baser sur un niveau moyen, et de négliger les circonstances de détails, malgré que parfois, ce soient elles qui caractérisent le fait. De plus, elles ne sont faites qu’en vue de la préservation des privilèges d’une caste, de convenances de gouvernement, aussi sont-elles constamment violées, car leur transgression ne comporte pas toujours le mépris de l’opinion. Violant l’initiative de l’individu, par cela seul, elles incitent à leur transgression.

La Société étant basée sur l’antagonisme des intérêts, comme nous l’avons vu, elle entraîne donc fatalement des conflits entre individus. Mais que l’on organise une société où les individus aient intérêt à se respecter mutuellement, où l’observation de la parole donnée soit tenue pour un bien, parce que cela est profitable à tout le monde, et non parce que cela pourrait entraîner une peine physique. N’admirez plus la roublardise en affaires, mais faites que celui qui se parjure se sente tenu à l’écart des relations, et la morale s’élargira ; on comprendra que si l’on fait quelque chose de nuisible aux autres, on pourra en ressentir les effets, à chaque instant dans ses relations ; on se trouvera par le fait, intéressé à empêcher un mal de s’accomplir, lorsqu’on le verra se commettre.

Et, quoi qu’en disent les moralistes, c’est, à l’heure actuelle, cet esprit de solidarité de la foule, la crainte de l’opinion publique, qui empêche les individus de transgresser ce qu’il est convenu d’appeler la morale, bien plus que tout l’appareil de la loi et de sa répression.

Quand les individus se sentiront solidaires les uns des autres, il s’établira entre eux une morale nouvelle qui portera sa sanction en elle-même et sera bien