Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/217

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Je ne l’avais vu que deux ou trois fois avant son expulsion et n’avais pu lui donner une recommandation bien chaude. Il avait dû prendre la recommandation sous son bonnet. Du reste, Herzig flaira le mouchard et le tint à l’écart.

Dès son arrivée à Genève, il avait fondé un journal qu’il intitula L’Explosion. L’en-tête représentait un vague Palais Bourbon devant lequel explosait une bombe. Comme épigraphe, il y avait en latin : « À coups de pieds, à coups de poings ».

L’Explosion n’eut qu’un numéro et creva piteusement. Il fut presque aussitôt avéré que Carratoni était à la solde du commissaire de police qui avait été chargé à Genève de surveiller les réfugiés italiens, et que c’était lui qui avait fourni les fonds pour la publication de cette feuille ultra-révolutionnaire dont le texte répondait au titre. Carratoni, brûlé presque aussi vite qu’apparu, disparut sans tambour ni trompettes.

Dès mon retour à Paris, je commençai à me rendre compte qu’il n’était que temps de se mettre en travers de cette propagande à rebours qui, sous l’influence du mouchard Martinet, dont j’ai parlé, était tout simplement en train de mener notre mouvement au ruisseau.

Dévoiler les mouchards, ce serait facile si tous les camarades voulaient raisonner à l’aide du simple bon sens. Mais, à beaucoup le simple bon sens ne suffit plus lorsqu’il s’agit des choses de la propagande. Ils font intervenir un tas de considérations qui n’ont rien à voir avec la question, ne font que la compliquer et l’embrouiller.

En premier lieu vous avez, cela va sans dire, contre vous ceux qui se sont déjà laissé engluer par les théories — toujours extrêmes, — de ces « apôtres ». Si vous attaquez leur « homme », c’est par jalousie ou parce qu’il ne pense pas comme vous. Il faut les entendre pousser les cris de l’oie sauvant le Capitole.

Ensuite, ce sont les anarchistes à âme de chrétien qui n’admettent pas que l’on puisse penser mal des autres. Ils ne commettraient pas eux-mêmes la moindre canaillerie, mais ont toutes sortes d’excuses pour ceux qui en commettent. Sous prétexte de tolérance, ils ne permettent pas que l’on juge personne. Il ne faut pas disent-ils, s’en