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demandant aux lecteurs de nous aider de leur obole pour couvrir les premiers déficits.

Il m’arriva de nombreuses et « très » chaleureuses lettres d’encouragement. Et, en 10 mois de temps, je reçus 357 fr. 60 de souscriptions ! Là-dessus, il y avait 300 fr. qui nous étaient venus d’un bloc, sous la dénomination : « divers anonymes ».

Je dois ajouter que ce n’étaient pas les souscriptions, pour une cause ou pour une autre, qui manquaient.

Nous avons été soutenus. Cela est indéniable. Pourtant, quel minime effort il aurait fallu — et qui ne fut pas fait — pour parer à notre déficit.

Dans le n° 39, du 30 juin 1888, je trouve un exposé de la situation financière, démontrant que, souscriptions comprises, le déficit n’était que de 37 fr. par numéro.

Pendant les périodes de persécution, les difficultés financières furent moindres car les camarades sortaient alors de leur apathie.

Il faut ajouter qu’il y avait cette légende que Reclus était là pour venir en aide au journal. En effet, Reclus nous venait en aide et nous faisait une subvention de 100 fr. par mois lorsque le journal vint à Paris.

Mais les ressources de Reclus n’étaient pas inépuisables. Sa Géographie terminée, Reclus dut nous supprimer sa souscription mensuelle lorsque parurent les « Temps Nouveaux ».

Pendant longtemps ce fut le camarade Ardouin qui nous sauva en versant une souscription mensuelle de 80 fr.

Je l’avais connu au « Groupe d’Aide aux Amnistiés ». Le groupe s’étant dispersé, je l’avais perdu de vue.

Quelque temps après, j’avais bien lu dans les journaux qu’un nommé Ardouin, fabricant de couleurs pour fleuristes, avaient été appelé à siéger comme juré aux Assises de la Seine, mais s’était récusé en disant : « Que la société ne faisant rien pour prévenir le crime, il ne lui reconnaissait pas le droit de le punir ».

— Tiens ! pensais-je, ça doit être mon Ardouin. Puis je n’y pensai plus. Un an plus tard, étant au journal, méditant sur les moyens d’arriver à faire paraître le numéro de la semaine, — celui de la semaine précédente n’étant paru qu’après un appel désespéré, et une augmentation de