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des communications où on louait l’admirable propagande que menait Martinet, ou des convocations pour des réunions où il devait prendre la parole. Je mettais le tout au panier.

À la fin, les camarades me demandèrent pourquoi leurs communications n’étaient pas insérées. Je leur en donnai la raison.

Entre temps, Reclus m’avait averti que Martinet avait été arrêté à Genève. Escroqueries ou affaires de mœurs ?

À quelque temps de là, on vint frapper à ma porte, C’était Martinet qui m’apportait une communication. Je lui dis que je n’insérerais rien de lui.

— Je sais ce que vous avez écrit sur moi aux camarades de Roubaix. Ce sont des faussetés. Du reste, ça ne se passera pas comme cela. Si vous continuez, vous aurez affaire à moi.

— Oui, mais en attendant, vous allez me foutre le camp. Comme il était resté sur la dernière marche de l’escalier, je lui fermai la porte au nez. Il s’en alla en grommelant des menaces, que le bureau du Révolté était la première place où loger une bombe.

Par la suite, il fréquenta un groupe intitulé : La Vengeance ! qui tenait ses réunions chez un marchand de vins de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Il y fit voter que l’on envahirait le bureau et que l’on me « casserait la gueule ». À ce qui me fut raconté, du moins, car on se garda bien de mettre la menace à exécution.

C’était de l’enfantillage. Mais, espérait le mouchard, ne pouvait-il pas, un jour, se trouver quelque détraqué qui prendrait la chose au sérieux ?

Quelques années après, Martinet fut accusé par Rochefort, dans l’Intransigeant, de n’être qu’un mouchard. Or, un jour que j’étais allé à l’imprimerie, pour la mise en pages, qui vis-je arriver ? Maître Martinet.

Sans tenir l’imprimerie secrète, tant que j’avais travaillé seul, elle ne fut fréquentée que de quelques-uns. Mais ayant pris un camarade comme compositeur, il se trouva que celui-ci, à moitié hystérique, était en même temps un individualiste forcené, admirateur de Martinet. L’imprimerie fut bientôt connue de tout le monde.