Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/87

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Je ne sais plus quelle explication ils me donnèrent, ni ce qu’ils venaient chercher. Je les laissai à leur besogne et me recouchai.

Ils fouillaient le sac de Monod quand un pas lourd se fit entendre dans l’escalier. Cela ne pouvait être que lui. J’eus bien l’idée de l’avertir, mais il était lourd et mes trois lascars étaient lestes, il aurait été pris avant d’avoir redescendu un étage. Du reste, j’ignorais qu’il y avait un mandat contre lui. Il était venu me voir comme un homme en voyage, qui ne se cache pas. Il n’y avait qu’à laisser aller les choses.

Sitôt qu’ils l’entendirent gratter à la porte, les trois coquecigrues la lui ouvrirent et, patelin, Rossignol lui tendit la main, s’écriant :

— Tiens ! ce vieux Monod ! Comment ça va, Monod ?

Je compris la véritable raison de leur visite.

— Mais ça va camarade, fit Monod, en prenant la main qui lui était tendue.

Je jugeai qu’il était temps d’intervenir.

— Hé ! Attention, Monod, ce sont des mouchards.

Monod qui, sans doute, devait s’attendre à cette rencontre, sinon chez moi, à un moment ou un autre, ne sembla nullement surpris.

Il s’en alla avec eux. Mais on dut le relâcher le jour même ou le lendemain, n’ayant rien pu relever contre lui.

Un ou deux ans après, nouveau simulacre d’attentat à Dijon. Nouvelle perquisition chez Monod qui, cette fois encore, était en promenade. Et ce fut dans un placard que fut trouvé le paquet obligatoire, bien ficelé, bien dissimulé. Le pauvre Monod n’avait, il faut croire, qu’une idée à la fois.

Mais ces plaisanteries lui coûtèrent cher. Lors des rafles de 1894, il fut arrêté et envoyé au bagne où il resta cinq ans, et n’en revint qu’aveugle. Cette fois-là, pas plus que les autres, il n’avait rien à son actif, mais la magistrature et la police n’avaient encore pu digérer leurs mésaventures et elles avaient pris leur revanche.

Les anarchistes du monde entier avait choisi la date du 1er Mai comme fête du travail, Ce jour-là chômage général,