Aller au contenu

Page:Gregory - En racontant, 1886.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
L’ÎLE D’ANTICOSTI

pour faire perdre la tête à une partie de l’équipage, et seul le maître canonier eut en ce moment le sang-froid de sauter dans la soute aux provisions, d’y prendre ce qu’il put de biscuits, de monter quelques fusils, un baril de poudre et une trentaine de gargousses, et d’entasser le tout dans le petit canot. Une vague venait d’ajouter encore aux plaintes et à la confusion en emportant le gouvernail de la Renommée, et le mât d’artimon, rompu à coups de hache, étant tombé sur la hanche de bâbord, faisait prêter la bande au malheureux navire.

« Impassible au milieu de tout ce chaos, M. de Freneuse donna l’ordre de hisser la chaloupe sur ses porte-manteaux. Vingt personnes embarquent ; mais au moment où la dernière prend place, un des palans manque, et la moitié de cette grappe humaine est précipitée dans l’abîme, pendant que ceux qui restent se cramponnent au plat-bord de l’embarcation, suspendue en l’air. Pas un muscle n’a bronché sur la figure de M. de Freneuse, à la vue de cette nouvelle catastrophe ; d’une voix forte, il donne l’ordre de filer le palan d’arrière, mais au moment où la chaloupe reprend son équilibre et touche au flot, une vague brise le gouvernail de l’embarcation, et, mal assise, elle est rasée coup sur coup par deux lames. On parvint pourtant à pousser au large. Un des sous-officiers gouverne le