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Page:Gregory - En racontant, 1886.djvu/189

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L’ÎLE D’ANTICOSTI

sources. Deux jours se passèrent alors dans la faim et le désespoir ; personne ne voulait lutter plus longtemps contre la mort, et déjà la plupart s’étaient jetés à genoux sur la grève en disant les litanies des agonisants, lorsqu’un coup de fusil retentit sur le rivage.

« C’était l’indien qui, en propriétaire prévoyant, venait savoir ce qu’était devenu son canot. En l’apercevant, les malheureux se traînent vers lui, poussant les plus navrantes des supplications, mais le sauvage n’entend pas de cette oreille et prend la fuite. Le P. Crespel et Léger sont en bottes ; qu’importe ? Ce nouvel abandon rend l’haleine à ces moribonds ; ils se mettent à donner la chasse au fugitif, traversent tant bien que mal la rivière Becsie et finissent par rejoindre le fuyard, qu’un enfant de sept ans embarrasse dans sa course. Pris comme un lièvre au collet, le peau rouge, redevenu diplomate, leur indique un endroit du bois où il a caché un quartier d’ours à demi-cuit, et tous ensemble, indien et français, passent la nuit blanche à s’observer mutuellement du coin de l’œil.

« Le lendemain, le P. Crespel intime au sauvage l’ordre de le conduire au camp de sa tribu. Le canot, contenant l’enfant devenu un otage, est placé sur un traîneau ; Léger et le père récollet s’attellent dessus pendant que l’indien marche devant et sert de guide. Au bout d’une lieue de marche la