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Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/56

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sous l’action de la main ; une corde pour chaque doigt est vue distinctement, et les deux autres sont pour le pouce » ; on pourrait croire, d’après ces deux accords du crouth, que celui-ci était monté simplement de trois cordes doubles.

L’accouplement des cordes existant dans l’accord du crouth, nous pensons que leur nombre fut porté de trois à six, afin d’obtenir une plus grande sonorité ; mais que les premiers crouthistes ne s’en servaient que comme des cordes doubles, et que ce n’est que plus tard, lorsqu’ils furent devenus plus habiles, qu’ils doigtèrent séparément chacune des cordes passant sur la touche et cela, incidemment, et seulement quand un passage exigeait une harmonie plus riche, plus variée.

Le fait d’accoupler et d’accorder des cordes soit à l’unisson ou à l’octave, se nommait magadiser[1]. Ce système, qui a pour but d’augmenter la sonorité, était déjà employé dans l’antiquité. Il fut appliqué à la plupart des instruments à cordes[2], et l’est encore de nos jours à la mandoline ainsi qu’au piano, où chaque marteau fait vibrer deux cordes à l’unisson dans le grave et trois dans le médium et dans l’aigu.

Les cordes accouplées sont toujours actionnées simultanément, elles jouent donc le même rôle qu’une corde simple, c’est-à-dire qu’elles ne font entendre qu’un seul son à la fois, mais redoublé à l’unisson ou à l’octave.

Ainsi monté, le crouth à six cordes du xviiie siècle offrait moins de ressources que la vièle à archet du Moyen Âge, et

  1. « MAGADISER, v. n. C’étoit, dans la musique grecque, chanter à l’octave, comme faisoient naturellement les voix de femmes et d’hommes mêlées ensemble ; ainsi les chants magadisés étoient toujours des antiphonies. Ce mot vient de magas, chevalet d’instrument, et, par extension, instrument à cordes doubles, montées à l’octave l’une de l’autre, au moyen d’un chevalet, comme aujourd’hui nos clavecins. » J.-J. Rousseau, Dictionnaire de musique. p. 271.
  2. On trouve parfois des cordes doubles sur la vièle à archet.

    Le goudok, violon rustique russe, à fond bombé, possède trois cordes ainsi disposées. La plus basse donne la note finale de la mélodie, et les deux autres sonnent la quinte de cette note redoublée à l’octave.