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Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T2.djvu/68

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Armide, dont la première représentation était attendue avec une vive curiosité : « Tu es donc bien malade mon pauvre Baptiste, lui dit le prince, puisque ton confesseur t’a fait brûler ton opéra d’Armide ? — Hélas ! oui Monseigneur !

— Et tu as pu te décider à jeter au feu un si grand ouvrage ?

— Paix, paix. Monseigneur, parlez plus bas, j’en ai gardé une copie ».

Courtisan habile autant que compositeur de grand mérite, Lully était aussi violent que bon :

« Pour l’orchestre, dit Dom Caffiaux, il avoit l’oreille si fine, que du fond du théâtre il déméloit un faux ton, accouroit, et disoit au violon : C’est toy, il n’y a pas cela dans la partie ! Plus d’une fois, il a rompu le violon sur le dos de celuy qui n’exécutoit pas à son gré ; mais la répétition finie, Lully l’appeloit, lui payoit son violon au triple, et le menoit dîner avec lui[1]. »

En battant la mesure avec sa canne, pendant l’exécution d’un Te Deum qu’il avait composé pour célébrer la convalescence de Louis XIV, Lully se frappa au pied, et mourut, âgé de cinquante-quatre ans, des suites de la blessure qu’il s’était faite. Sa fortune était considérable, il laissa de nombreux immeubles, plus, six cent cinquante mille livres d’or dans ses coffres. Il fut inhumé dans l’église des Petits-Pères, près la place des Victoires, où sa famille lui fit élever un superbe tombeau.

VII

Du temps de Lully, les joueurs de violon n’étaient que des ménétriers plus ou moins habiles, bons seulement pour faire danser : et le plus faible de nos violonistes déchiffrerait

  1. Dom Caffiaux. Histoire de la musigue. (Ms. bibl. nat., n° 22, p. 536-537.)