Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/96

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n’éveille aucune espèce d’idée artistique, mais notre assiette y est à l’aise.

Lorsque cette charrette ou l’un de ces bâts passaient dans les villages, ils étaient, au point de vue esthétique, un enseignement, un modèle de grâce, de beauté et de perfectionnement. Sur le flanc de l’urne dont la tête vénérée de l’éléphant formait l’anse, autour de l’instrument de musique où s’enroulait le serpent, à la proue de la jonque relevée en tête de Garouda, dans l’humble cuiller qui sortait d’un souple dragon, sur le crochet de litière et sa Hamsa [1] coulée dans le bronze, au fléau de la balance qu’ornait le Naga ; sans cesse, partout, depuis l’objet sacré jusqu’au plus humble des ustensiles, les regards trouvaient un prétexte, un moyen de s’éduquer, clair, précis, et souvent admirable.

Les enfants grandissaient ainsi, à même la légende ; et dès l’adolescence, l’esprit plein d’images et de formes, familiers des héros mythiques, ils sentaient leurs jeunes mains frémir de l’impatience sacrée. Comparons cet état de chose à une auto traversant des villages, incomprise de tous, ne pouvant être un objet d’admiration, mais

  1. Hamsa : oiseau sacré, monture de Brahma.