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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/163

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PRÉPARATIFS DE BATAILLE

tés humaines, mais qu’une hypocrisie de cette espèce dégoûtait franchement. Comptez sur moi, Duffin, j’arrangerai tout ce soir même et je vous préviendrai.

Puis il se leva pour signifier son congé au solliciteur.

Le lendemain, 7 mai, une légère indisposition avait retenu Lantagnac chez lui. Dans l’après-midi, retiré en son cabinet de travail, l’avocat se reposait doucement dans son fauteuil, au milieu d’un large rayon de soleil qui traversait la pièce. Face à la fenêtre, il regardait les jeunes érables du jardin balancer tout près de lui leurs branches où s’ouvraient les premières feuilles. A vue d’oeil ou presque, elles se déployaient en petits cornets d’un vert tendre, jeune, réjoui qui avait l’air de dire : comme le soleil est bon ! Rêveusement Lantagnac s’abandonnait à cette vision et à cet arôme du printemps. Une fois de plus le rural impénitent s’éveillait en lui. Sa pensée voguait déjà loin, làbas, au-dessus de Saint-Michel où ces spectacles de résurrection végétale ont une beauté si prenante. Tout à coup quelqu’un parut à sa porte entr’ouverte : William Duffin était là en chair et en os. Depuis quelque temps les deux hommes ne se voyaient guère que dans les rares réunions de famille. Et encore, Duffin qui redoutait les cinglantes taquineries de son beau-frère, l’évitait-il volontiers. À la vue de son visiteur, Lantagnac ne put donc dissimuler une certaine surprise mêlée de contrariété. Le seul abord de