Aller au contenu

Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
PRÉPARATIFS DE BATAILLE

nous avons causé souvent de ce triste sujet. Or, si mes compatriotes s’anglicisent, ne crois-tu pas que le même sort attend leur foi ? Et surtout que l’on ne vienne pas m’objecter que c’est reconnaître à la foi des miens bien peu de solidité, bien peu de résistance. Ceux-là oublient que l’anglo-saxonisme est, à l’heure actuelle, la puissance la plus formidable, que la littérature anglosaxonne est le tout-puissant véhicule de la pensée protestante et qu’elle le restera encore d’ici longtemps. Maud, tu le sais comme moi, et tu en souffres. Mais alors je me le demande : qui donc a le droit, en ce pays, par amour d’une fausse paix ou pour l’ambition d’une grande unité politique, qui donc a le droit de susciter le péril de la mort à la foi de tout un peuple ?

Maud avait écouté attentivement. Sa foi restée vive depuis le jour de sa conversion luttait fortement en elle contre l’esprit d’orgueil et de race. Elle sentait la puissance des raisons invoquées par son mari. Pourtant il lui en coûtait trop de se soumettre. Elle risqua donc une objection qu’elle croyait souveraine :

— Je crois, dit-elle, que vous avez raison en théorie et pour les vôtres. Mais en ce moment, n’est-il pas vrai ? nous discutons surtout notre cas, celui de nos enfants. Or, mon cher Jules, nous avons gardé la foi, nous, dans notre milieu ; nos enfants ne paraissent-ils pas devoir la garder ?

— La garderont-ils toujours et tous ? répondit Lantagnac, se parlant plutôt à lui-même, les