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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/18

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L’APPEL DE LA RACE

malaise, quelle nostalgie d’un passé qu’il croyait éteint, l’agitait jusqu’au fond de l’âme. Serait-il le jouet d’une simple illusion ? Il sent qu’avec l’amour de sa race envolé, un coin de son cœur lui est froid comme s’il était mort. Il lui paraît que tout son esprit est désaxé, que sa mystique anglo-saxonne se dissout comme une creuse idéologie. En même temps, le voici qui se découvre effroyablement pénétré par les infiltrations protestantes. Ce catholique d’intègre conscience sent tous les jours les plus sacrés de ses principes ébranlés par de sourdes attaques intérieures. Que serait-ce donc que ces troubles nouveaux ? Une sorte de libre examen, lui semble-t-il, le pousse à se faire soi-même ses règles de conduite. Et ce démantèlement de son être moral l’inquiète et le dégoûte profondément.

Le Père Fabien eut vite fait de diagnostiquer l’état d’esprit de son nouveau pénitent. « Encore le coin de fer ! » se disait-il, « encore le coin de fer ». Le religieux en acquit la conviction, dès ses premières entrevues avec le grand avocat : une qualité de fond sauverait Lantagnac, s’il pouvait l’être ; et cette qualité, c’était sa droiture d’esprit, droiture foncière qui prenait chez lui le caractère d’une vertu hautaine, absolue. En son reniement d’autrefois le jeune étudiant avait mis une entière sincérité. De bonne foi, il s’était persuadé que pour le type français comme pour tout autre, enrichissement et anglicisation s’imposaient comme des termes synonymes.