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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/191

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À LA RECHERCHE DU DEVOIR

vives, ne jugeant les hommes et les choses qu’à travers la poussière du combat, les persécutés n’avaient-ils pas à craindre pour la justesse de leur optique ? Au début, peut-être, quand il fallait éveiller à la réalité de son péril, un peuple somnolent, la lutte sans merci pouvait se justifier, s’imposer même comme un devoir rigoureux ; mais après six ans que cette tactique avait donné ce qu’on en pouvait espérer, n’était-ce pas l’heure de changer d’armes et de stratégie ? À tout le moins le mal serait-il si grand que l’entreprise fût tentée ? Et Lantagnac n’osait encore accepter cette conclusion ultime, mais déjà la pensée tentatrice s’insinuait dans son esprit : si le jour devait venir où, par la force des choses, s’imposerait le rôle d’un pacificateur, le député de Russell ne ferait-il pas un acte de sage patriotisme, en se réservant, en évitant de se donner les airs d’un irréductible, pour assurer à la cause française, au moment opportun, une grande victoire diplomatique ?

Voici plusieurs jours que Lantagnac retourne fiévreusement, dans son esprit, les aspects divers de ces problèmes. Dures journées d’angoisse épuisante ! Parfois il serait tenté de se palper, de se demander anxieusement : « Est-ce bien moi ? est-ce que je ne rêve pas ? Ne serais-je point devenu, par une hallucination horrible, le héros fatal d’un roman ou d’un drame affreux ? » A l’instant même où il croit s’être affermi dans la quiétude, s’être enfin rassuré pleinement, le doute