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Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/216

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L'APPEL DE LA RACE

Devant lui, au haut de la colline Nepean, le noble sieur de Champlain se dressait encore dans le firmament clair de mai, s’en allant toujours, du même pas intrépide, vers les aventures héroïques. L’air ondoyait d’une sorte de vibration joyeuse. On eut dit la fête des choses chantant leur joie de se reprendre à la vie après le long engourdissement de l’hiver. Toute l’immense et bruissante résurrection de la nature canadienne modulait son Alléluia. Là-bas, du côté du Québec, les sombres flétrissures du dernier automne achevaient de disparaître au front des Laurentides, sous l’envahissante espérance de la verdure. Sur l’Outaouais, de minuscules blocs de neige et de glace, venus des berges où l’ombre des sapins et des pins noirs les avait conservés, glissaient lentement au fil de l’eau, pareils à de larges flocons d’écume. La brise chaude du printemps soufflait au visage du piéton, un air de force et de souriante jeunesse. La brise lui venait de la capitale, mais il semblait qu’elle eût passé pardessus la ville sans y toucher. Douce et apaisante, elle traversait maintenant la grande rivière, chargée des senteurs des champs lointains, parfums des verdures encore jeunes, des premiers boutons éclos dans l’herbe courte et dans les forêts neuves, fleurs précoces des érables et des saules, bourgeons des aulnes enveloppés de fourrure blanche, frais arôme des terres délivrées du gel et devenues fumantes sous les dents des semeurs et des herses. Ces souffles qui bai-