Aller au contenu

Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
LE COIN S’INTRODUIT

dition et d’une continuité. Les cimetières nous en avertissent : d’une génération à l’autre, on se donne un épaulement moral. Tout ce qui est grand et fort suppose un ordre, des pièces qui se soutiennent et s’articulent. On ne fait point de grande œuvre d’art avec des phrases ou des fragments désarticulés ; on ne fait point, non plus, de grande race, avec des familles qui ne se soudent point. Et c’était, je crois bien, la voix de mes morts qui reprenait à son tour : « Sache-le, ô toi qui passes ici : c’est parce qu’autrefois, sur la deuxième terre du rang des Chenaux de Saint-Michel, Gailhard de Lantagnac succéda à Roland de Lantagnac, que Salaberry de Lantagnac succéda ensuite à Roland de Lantagnac dit Lamontagne, que Guillaume Lamontagne succéda enfin à Paul Lamontagne, c’est par eux tous, par les labeurs additionnés de ces générations, qu’un morceau de la patrie a été défriché, qu’une compétence agricole s’est créée, que des essaims de Lamontagne ont pris possession d’une large partie de la paroisse de Saint-Michel et que, s’est conservée dans leur foyer, une force morale qui t’a ramené toi-même à l’unité. »

…Oui, mon Père, ponctua plus fortement le pèlerin, je le sais : ce que je vous dis là, est élémentaire, mais je le répète : on ne compte, on ne vaut ici-bas que si l’on se gouverne, non selon soi-même, mais selon sa race.

La figure du religieux laissait voir une joie grandissante :

— Vous parlez d’or, mon ami. Peut-être cependant me faudrait-il risquer une légère cor-