Aller au contenu

Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
L’APPEL DE LA RACE

À peine eut-il fait jouer le verrou du portillon de fer qui fermait l’enclos des gazons, que Virginia, la cadette de ses filles, alors âgée de seize ans, accourut se jeter dans ses bras.

— Que vous avez été longtemps, vieux gamin de papa ! s’écria-t-elle, avec un petit air mutin et grondeur.

— Huit jours ! C’est donc si long ! fit le père, taquin.

— Oh ! le méchant ! reprit la fillette, il va nous faire croire qu’il n’a pas trouvé le temps long, aussi long que nous, pour le moins.

Heureux de se retrouver parmi les siens, Lantagnac remarqua à peine que sa femme et ses enfants ne lui parlaient qu’anglais. Pendant le souper qu’on lui servit en hâte, tout le monde s’attabla, tous parlant parfois en même temps, et tous multipliant les questions sur le voyage, sur les parents de Saint-Michel, les parents inconnus, mais qu’on brûlait de connaître, tant tout cela paraissait neuf, inédit, une belle scène de cinéma champêtre, une belle gravure de magazine. Lantagnac dut répondre à dix questions à la fois. Et lui qui rentrait du vieux pays natal, le cœur plein de ses émotions d’enfance, la mémoire enchantée des beaux paysages élégiaques de Saint-Michel, combien de fois, ce soir-là, il se vit obligé de parer les coups douloureux que bien insconsciemment ses propres enfants lui portaient au cœur ! Ainsi lui avait demandé William :